Projets Ella Maillart

S’il y eut de tous temps des aventurières, Ella Maillart (1903-1997) fut et reste sans aucun doute l’une des personnalités les plus originales et attachantes du 20ème siècle. De sa naissance à Genève où très jeune, elle se passionne pour le sport, à ses nombreux voyages en Asie Centrale, elle n’a cessé de partir à la rencontre de l’Autre pour mieux se découvrir elle-même. Navigatrice, exploratrice, photographe, écrivain et journaliste. Une vie hors du commun consacrée à l’infatigable poursuite du fondamental.
Pour plus d’informations sur Ella Maillart : http://ellamaillart.ch


Creux-de-Genthod

En 2004, je découvris le Petit Musée dédié à Ella Maillart dans le Valais (CH) à Chandolin. L’intensité, la bienveillance et la profondeur de son regard me subjugua. J’étais comme hypnotisée par les photos exposées. J’aurai rêvé la rencontrer, malheureusement elle était décédée en 1997. Alors je me plongeai dans ses écrits et ses images, lisant les uns après les autres tous ses livres, étudiant ses photos. Destin improbable d’une femme indépendante et passionnée, photographe, écrivaine, aventurière, exploratrice, marin, sportive de haut niveau, née à l’aube du XX° siècle. Au regard de ses exploits sportifs et de ses voyages je fus interpellée par sa fragilité et ses questionnements personnels qui étaient siens durant sa jeunesse et me renvoyaient étrangement, à plus d’un demi-siècle d’intervalle, face à mon malaise d’adolescente et à mes propres questionnements relatifs à ma place et à mon utilité dans notre monde.

En juin 2019, cherchant un appareil photo tout autre pour ma collection, je tombais par hasard dans une vente aux enchères sur son Leica M4. Ma joie fut immense de l’acquérir et ainsi de rencontrer Bernard et Anneliese qui furent parmi ses plus proches amis et qui l’accompagnèrent le dernier tiers de sa vie.

Cette acquisition, ma passion pour la photo et mon admiration pour Ella me donnèrent envie d’entamer un projet photographique… Sorte de cadeau pour les 120 ans de sa naissance en 2023. Envie de découvrir ce qu’était devenu le Kirghizstan qu’elle avait traversé il y a presque un siècle.

© Bernard Muller (avec son aimable autorisation)

L’idée était d’utiliser SON appareil pour la réalisation de mon projet. Malheureusement je me le suis fait voler peu de temps après son acquisition. Sans ma fille Mélanie, Anneliese et Bernard et un passage de Bribes et Sagesses d’Ella Maillart, j’aurai tout abandonné tellement grande était ma tristesse.

Anneliese et Bernard me proposèrent de me prêter le dernier appareil d’Ella un Leica CL de 1972. Et Mélanie m’écrivit ceci : «Tu n’as pas à être furieuse contre toi, c’est comme ça, tu ne pouvais pas prévoir un truc comme ça.
Mais promets-moi de ne pas lâcher pour autant ton projet pour Ella Maillart… C’est une superbe idée et il n’y a pas de raison que tu ne puisses pas le faire avec un autre appareil, peut-être qu’au fond c’est elle qui est venue récupérer son appareil pour te dire « débrouille-toi avec le tien » ? »

Et ces mots d’Ella m’interpellèrent : «L’enseignement veut que l’on soit toujours frappé dans son attachement le plus fort, car ce lien étroit et aveugle entrave notre marche vers l’infini.»

Comment pouvais-je ensuite encore hésiter à poursuivre ?

1. Voyage au Kyrgyzstan

Après un report de mon voyage initial de 2019 du fait de la pandémie de coronavirus, puis de celui de 2020, le Kyrgyzstan vient de ré-ouvrir ses frontières aux étrangers et je m’y rends finalement du 21 mai au 4 juillet 2020.

Pourquoi ai-je décidé de ne partir qu’avec des boitiers argentiques ?

Pour essayer de renoncer au diktat de l’immédiateté et d’échapper à l’obligation autoproclamée d’une transmission instantanée de nos images !  Pouvoir vivre pleinement le moment présent et garder au creux de soi ces instants d’éternité, plutôt que de passer des soirées entières à résoudre les problèmes techniques liés à l’editing … !!!!

Comment prétendre aller à la rencontre de l’essentiel en partant encombré de superflus.

J’ai également décidé de renoncer à partir avec un boitier de secours numérique …. Retrouver le chemin de la confiance … renoncer au tout control … au risque de devoir communiquer …. Ne plus s’enfermer dans un scaphandre de survie ouaté ….

Échanger … tendre une main vers l’inconnu …. Et accepter d’imaginer qu’une main peut-être se tendra vers cette main tendue. Accepter les aléas de la vie.

Et si le plus grand danger n’était pas les autres mais soi-même ?

Y a-t-il encore des réponses à trouver sur les traces d’Ella Maillart ?

Peut-être à des questions que je ne me pose même pas forcement ….

Essayer de retrouver Son Vrai Moi que notre quotidien parfois absurde nous fait délaisser !

Il est étrange pour moi en relisant certaines de mes notes, de ne plus savoir s’il s’agit des pensées d’Ella ou des miennes : « Toujours se mettre dans une spirale de souffrance comme si on ne s’autorisait pas la moindre éclaircie dans le ciel bleu brumeux et noir de ma vie » (Ella Maillart)

Paradoxe touchant entre l’exploit incroyable qu’elle réalise dans Oasis Interdit et son besoin permanent de se rendre utile et de justifier son existence.

Transhumance ….

Sieste

Sieste

Disneyland …

Comme dans tous les pays du monde ….

Complices

Complicité …

2. DesCodesEnÉclats

En 2020 suite au COVID mon premier voyage au Kirghizstan est annulé. Je décide de me lancer dans un autre projet dédié à Ella Maillart : DesCodesEnÉclats.

Il s’agit d’interroger des femmes dont la vie a été inspirée par celle d’Ella Maillart.

DesCodesEnÉclats, cadeau pour les 120 ans de sa naissance en 2023 est un projet photographique de portraits et d’entretiens. Ces entretiens sont réalisés par Katherine Taieb. Sans son amitié, son enthousiasme, son énergie et son professionnalisme ce projet n’aurai jamais vu le jour…

À travers eux il s’agit de comprendre ce qui peut encore de nos jours pousser une femme à donner à sa vie une direction autre que celle tracée à sa naissance.

Pour chaque portrait je réalise une photo durant l’entretien afin de créer un effet miroir entre texte et image, une seconde photo dans un environnement cher à la personne interviewée, et une troisième d’un objet symbolique de sa vie.

Entre chaque portrait on trouvera des extraits d’interviews inédits de personnages ayant très bien connu Ella Maillart. Ces interviews ont été réalisés par Patricia Heimgartner.

Beaucoup d’entre nous rêvons de s’affranchir de codes familiaux, culturels, sociaux, professionnels, etc. Peu ont la force, le courage, ou l’opportunité de passer à l’acte… Par ces échanges je cherche à ressentir et partager la fragilité de ce moment décisif qui entraine une personne vers le chemin de vie qu’elle a décidé de suivre.

L’idée est d’utiliser pour la réalisation de mon projet l’appareil personnel d’Ella Maillart acheté dans une vente aux enchères. Malheureusement cet appareil m’est volé peu de temps après l’avoir acquis.Néanmoins je trouve un appareil photographique identique avec lequel je réaliserai tout mon projet.

Les mots d’Ella : «L’enseignement veut que l’on soit toujours frappé dans son attachement le plus fort, car ce lien étroit et aveugle entrave notre marche vers l’infini» achèvent de me convaincre. Je n’avais plus qu’à poursuivre… et j’ai poursuivi.

Ces rencontres ont lieux d’octobre 2019 à l’été 2023. Elles donneront probablement lieux à un livre et une exposition fin 2024 qui vous permettront de cheminer au gré de ces itinéraires de vie de femmes.

Ces interviews furent pour moi autant de rencontres merveilleuses, surprenantes et qui me permirent de continuer à avancer sur mon propre chemin de vie.

DesCodesEnÉclats
DesCodesEnÉclats